1

Appel à communications – Le pouvoir dans l’Anthropocène : violence, injustice et migration climatiques

Colloque des boursier-ères du Centre de recherche en éthique (CRÉ) 2025

Le pouvoir dans l’Anthropocène : violence, injustice et migration climatiques

Les 15 et 16 mai 2025 à Montréal

Appel à communications

Date de limite de l’appel à propositions: 5 mars 2025

cre.colloque2025@gmail.com

Dès l’essor des mouvements écologistes contemporains et la publication des premières recherches sur les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes (Carson, 1962; Commoner, 1971; Dumont, 1973; Meadows et al., 1972; Schumacher, 1973), la philosophie a tenté de conceptualiser et de problématiser la genèse et les conséquences de ces phénomènes, et de réfléchir à d’éventuelles manières d’y remédier. Plus récemment, le concept d’Anthropocène (Crutzen, 2002) et ses nombreux dérivés, tels que Capitalocène et Plantationnocène (Haraway, 2015) ont été fréquemment adoptés par les sciences sociales pour théoriser la singularité de la conjoncture présente. Un lien important entre nombre de travaux mobilisant ces concepts est celui de la réflexion sur le pouvoir. Comment notre maîtrise sur la nature nous définit-elle en tant qu’humains? Comment différents groupes produisent, préviennent, subissent ou résistent au changement (et comment devraient-ils le faire)? C’est à l’aune de cette dernière question que ce colloque s’intéressera au réexamen de concepts éthiques et politiques fondamentaux qui se produit à l’ère des changements climatiques et de la dégradation des écosystèmes. 

D’une part, la responsabilité et les impacts différenciés des changements climatiques ont amené à s’interroger sur les formes de tort et d’injustice qui sont à l’origine ou qui découlent de ces phénomènes. Pour ce faire, les concepts de violence structurelle (Arenas-Garcia, 2024; Bonds, 2016), d’injustice structurelle (Eckersley, 2016; Heilinger et Kempt, 2020; Keij et van Meurs, 2023) et de violence lente (Nixon, 2013) ont été mobilisés afin de caractériser l’évolution des rapports sociaux et politiques à l’ère des changements climatiques (Boscov-Ellen, 2020; Cappelli, 2023). Le concept d’injustice structurelle, en particulier, a été appliqué à l’enjeu des migrations climatiques (Dwyer, 2020), ouvrant de nouvelles voies aux débats sur les frontières, la citoyenneté et les migrations. L’étude des mouvements migratoires est d’ailleurs apparue comme un terrain fertile pour penser des recours qui permettraient de rétablir une certaine forme de justice pour les plus affectés par les changements climatiques, notamment par la mise en place de “droits à la mobilité” (Marshall, 2015), de “droits à l’empowerment” (Drydyk, 2013) ou encore par la réévaluation de nos cadres de réflexion éthiques et politiques (Keyserlingk, 2018). 

D’autre part, cette préoccupation a amené à s’interroger sur les formes d’actions à adopter pour lutter contre les changements climatiques et les manières de s’adapter à leurs conséquences dans un contexte marqué par l’inertie de certains des États et entreprises les plus polluants. Un ensemble multidisciplinaire de chercheurs et de chercheuses se sont ainsi intéressés aux formes d’action auxquelles peuvent légitimement recourir les mouvements écologistes afin d’ébranler le statu quo. Ces derniersont par exemple proposé de réinvestir, voire de dépasser le concept de désobéissance civile (Garcia-Gibson, 2021; Welchman, 2001) et de résistance (Caygill, 2019), notamment en les mettant en relation avec différentes formes d’action directe (Kurtz, 2020; Parkin, 2020) et plus spécifiquement de sabotage (Arridge, 2023; Malm, 2021; McLaughlin, 2023), et en interrogeant son rapport à la violence (Anfinson, 2023). D’autres chercheurs et chercheuses se sont pour leur part intéressés aux formes d’action permettant de remédier à la fois aux changements climatiques ainsi qu’aux torts et injustices qui s’y rattachent (Akinsemolu et Olukoya, 2020; Boscov-Ellen, 2020; Cappelli, 2023). 

Ce colloque vise ainsi à interroger les apports et les limites des concepts éthiques et politiques pour réfléchir conjointement les torts et injustices que suscitent les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes, ainsi que les formes d’action permettant d’y remédier. Plus précisément, il aimerait proposer d’interroger la manière dont ces concepts permettent ou échouent à se ressaisir d’un ensemble d’enjeux relatifs à la violence, à l’action politique, à l’immigration, au colonialisme, à la justice internationale et intergénérationnelle au prisme de considérations écologiques.

Les communications offrant des pistes de réflexion aux questions suivantes, comme toute autre question liée aux thématiques mobilisées ci-haut, sont encouragées :

Violence et action climatique

  • Quelles formes d’action et de conduite adopter pour contrer les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes?
  • Le vocable de la résistance est-il approprié pour décrire et orienter l’action climatique militante? 
  • Quelle devrait être la place de l’escalade et de la diversité des tactiques dans le mouvement environnementaliste? 
  • Quelles leçons devrait-on tirer des mouvements de libération, ainsi que des mouvements pour les droits des femmes et pour les droits civiques?
  • Les dommages matériels sont-ils une avenue moralement et politiquement acceptable pour lutter contre les changements climatiques? 
  • Devons-nous entrer en guerre contre les multiples dégradations de l’environnement? Qu’est-ce que cela impliquerait? 
  • Est-ce que le récent backlash populaire et gouvernemental à des mesures étatiques comme les taxes sur le carbone, sur l’essence et les voitures altère la responsabilité des individus préoccupés d’agir en court-circuitant les voies démocratiques habituelles? 
  • Comment pouvons-nous conceptualiser la répression étatique des mouvements environnementaux?

Injustices et torts reliés à l’environnement

  • Quels types de tort et d’injustice sont mis en jeu par les changements climatiques et la dégradation des écosystèmes?
  • Comment établir la compensation ou les réparations relatives à ces torts et ces injustices?
  • 10 ans après l’émergence du concept de violence lente de Dixon (2013), les phénomènes qui caractérisent l’Anthropocène nous poussent-ils encore à redéfinir et préciser notre conception de la violence? 
  • Les différents concepts d’injustice nous permettent-ils de mieux réfléchir aux impacts vécus des changements climatiques comme l’écoanxiété et la solastalgie?
  • Comment le poids de la responsabilité de l’atténuation des changements climatiques devrait-il être réparti entre les acteurs individuels, organisationnels et étatiques? 
  • Étant donné les contributions et les impacts différenciés de multiples groupes sociaux aux changements climatiques, comment conceptualiser les antagonismes sociaux et politiques qui en découlent? 
  • Comment les enjeux classiques en éthique et politique des changements climatiques, comme le problème de la non-identité, peuvent-ils être dépassés à l’aide de développements théoriques récents? 

Migration climatique

  • La perspective d’une augmentation drastique du nombre de migrants climatiques devrait-elle nous pousser à réenvisager des concepts et des politiques importants reliés aux droits des migrants et à la citoyenneté? 
  • Comment penser la responsabilité morale et politique envers les migrants climatiques à un moment où les sentiments hostiles à l’immigration sont en croissance? 
  • Les migrants climatiques devraient-ils avoir un droit de retour à leurs terres d’origine? Existera-t-il une responsabilité, une fois que les changements climatiques auront été enrayés, à décarboner l’atmosphère pour rendre habitables à nouveau les territoires qui auront dû être évacués? 
  • Est-il possible d’efficacement délimiter les contours du phénomène de migration climatique vis-à-vis d’autres formes de migration? 
  • Au-delà de formes de compensations pour des pertes, comment est-il possible de redonner de l’agentivité aux personnes déplacées par les dégradations de l’environnement? 

Pour soumettre une proposition 

Les propositions de communications de 25 minutes doivent être soumises par courriel, en format .pdf, .doc ou .docx, à l’adresse cre.colloque2025@gmail.com d’ici le 5 mars 2025 et rencontrer les conditions suivantes : 

  • Comporter un titre clair et évocateur
  • Comporter un résumé de 300 mots ou moins, décrivant clairement l’argument central et la pertinence de votre communication
  • Inclure 2 à 5 mots clés pour votre sujet
  • Être exempte de toute information permettant de vous identifier
  • Nom de document suivant cette structure : CRE_2025_Titre

Votre courriel devrait quant à lui contenir vos prénom et nom, ainsi que votre affiliation institutionnelle. 

Modalités de l’événement

Le colloque du centre de recherche en éthique aura lieu en présentiel à Montréal, les 15 et 16 mai 2025 et est ouvert aux communications en français et en anglais. Pour toute question, n’hésitez pas à contacter l’équipe d’organisationà l’adresse mentionnée ci-dessus.

Références

Akinsemolu, A. A. et Olukoya, O. A. P. (2020). The vulnerability of women to climate change in coastal regions of Nigeria: A case of the Ilaje community in Ondo State. Journal of Cleaner Production, 246, 119015. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2019.119015

Anfinson, K. (2023). Climate Change and the New Politics of Violence. Dans Violence. Routledge.

Arenas-Garcia, N. (2024). Unpacking the Linkages between Structural Violence and the Climate Crisis. Environmental Ethics. https://doi.org/10.5840/enviroethics202491282

Arridge, A. S. (2023). Should We Blow Up a Pipeline? Environmental Ethics, 45(4), 403‑425. https://doi.org/10.5840/enviroethics202382863

Bonds, E. (2016). Upending climate violence research: Fossil fuel corporations and the structural violence of climate change. Human Ecology Review, 22(2), 3‑23. https://doi.org/10.3316/informit.324306883375423

Boscov-Ellen, D. (2020). A Responsibility to Revolt? Climate Ethics in the Real World. Environmental Values, 29(2), 153‑174. https://doi.org/10.3197/096327119X15579936382617

Cappelli, F. (2023). Investigating the origins of differentiated vulnerabilities to climate change through the lenses of the Capability Approach. Economia Politica, 40(3), 1051‑1074. https://doi.org/10.1007/s40888-023-00300-3

Carson, R. (1962). Silent Spring. Houghton Mifflin.

Caygill, H. (2019). Slow Violence and the Limits of Eco-resistance. Philosophical Journal of Conflict and Violence, 3(1), 1‑7.

Commoner, B. (1971). The Closing Circle : Nature, Man & Technology. Random House.

Crutzen, P. J. (2002). Geology of mankind. Nature, 415(6867), 23‑23. https://doi.org/10.1038/415023a

Drydyk, J. (2013). Development Ethics and the « Climate Migrants ». Ethics, Policy & Environment: A Journal of Philosophy and Geography, 16(1), 43‑55.

Dumont, R. (1973). L’Utopie ou la Mort. Seuil.

Dwyer, J. (2020). Environmental migrants, structural injustice, and moral responsibility. Bioethics, 34(6), 562‑569. https://doi.org/10.1111/bioe.12738

Eckersley, R. (2016). Responsibility for Climate Change as a Structural Injustice. Dans T. Gabrielson, C. Hall, J. M. Meyer et D. Schlosberg (dir.), The Oxford Handbook of Environmental Political Theory (p. 0). Oxford University Press. https://doi.org/10.1093/oxfordhb/9780199685271.013.37

Garcia-Gibson, F. (2021). Undemocratic Climate Protests. Journal of Applied Philosophy, 39(1), 162‑179. https://doi.org/10.1111/japp.12548

Haraway, D. (2015). Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene: Making Kin. Environmental Humanities, 6(1), 159‑165. https://doi.org/10.1215/22011919-3615934

Heilinger, J.-C. et Kempt, H. (2020). Loss and Damage, and Addressing Structural Injustice in the Climate Crisis. Ethics, Policy & Environment, 0(0), 1‑15. https://doi.org/10.1080/21550085.2024.2387999

Keij, D. et van Meurs, B. R. (2023). Responsibility for Future Climate Justice: The Direct Responsibility to Mitigate Structural Injustice for Future Generations. Journal of Applied Philosophy, 40(4), 642‑657. https://doi.org/10.1111/japp.12674

Keyserlingk, J. G. (2018). Immigration Control in a Warming World: Realizing the Moral Challenges of Climate Migration. Immigration Control in a Warming World: Realizing the Moral Challenges of Climate Migration. Imprint Academic. https://www.proquest.com/philosophersindex/docview/2159311298/18BBE97824854516PQ/2?sourcetype=Books

Kurtz, R. M. (2020). Direct Action and the Climate Crisis: Interventions to Resist and Reorganize the Metabolic Relations of Capitalism. Radical Philosophy Review, 23(2), 261‑297. https://doi.org/10.5840/radphilrev2020813114

Malm, A. (2021). How to Blow Up a Pipeline. Verso.

Marshall, N. (2015). Toward Special Mobility Rights for Climate Migrants. Environmental Ethics: An Interdisciplinary Journal Dedicated to the Philosophical Aspects of Environmental Problems, 37(3), 259‑276.

McLaughlin, A. (2023, 1 octobre). « Attacking the Things that Consume Our Planet »: Civil Disobedience, Direct Action and Climate Change [SSRN Scholarly Paper]. Social Science Research Network. https://doi.org/10.2139/ssrn.4589366

Meadows, D. H., Meadows, D. L., Randers, J. et Behrens III, W. W. (1972). The Limits to Growth. The Club of Rome.

Nixon, R. (2013). Slow Violence and the Environmentalism of the Poor. Harvard University Press.

Parkin, S. (2020). Resistance is fertile: Direct action vs. fossil fuels across North America. Dans Climate Justice and Community Renewal. Routledge.

Schumacher, E. F. (1973). Small is Beautiful : A Study of Economics As if People Mattered. Blond & Briggs.

Welchman, J. (2001). Is ecosabotage civil disobedience? Philosophy & Geography. https://doi.org/10.1080/10903770124815