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L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

Dossier préparé par Anne-Marie Reynaud.

Ce dossier réunit des informations complémentaires aux partages captés le 22 mars 2018 dans le cadre d’une table ronde du Centre de recherche en éthique intitulée « Conversation sur l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ».

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

Le vendredi 27 avril 2018, la commissaire Michèle Audette déclarait devant un auditorium rempli de chercheurs au 16e colloque du CIÉRA qu’elle était profondément écœurée. Dans un discours où se mêlèrent colère et espoir, elle partagea son point de vue concernant le débat autour de la demande de prolongation de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : que la situation des femmes et filles autochtones au Canada devrait être considérée comme une urgence nationale prioritaire, et non pas comme un dossier éventuellement prolongeable.

Le verdict depuis est tombé pour l’Enquête Nationale : le 5 juin 2018, on lui annonça une prolongation de 6 mois au lieu des 24 mois qu’elle avait demandés.

Avec si peu de temps restant pour réaliser son large mandat, les 4 commissaires exprimèrent immédiatement leur profonde déception par rapport à ce qu’elles appellent « une injustice pour les familles, les survivantes et tous les Canadiens ».

La Commission d’enquête a un mandat complexe et lourd car elle ne se limite pas aux cas de femmes et filles disparues ou assassinées, mais inclut toutes les formes de violences faites aux femmes, aux enfants et aux membres des communautés 2ELGBTQ d’origine autochtone.

Selon Statistique Canada, en 2015 les femmes autochtones représentaient près du quart (24%) des victimes d’homicide au Canada, malgré le fait que les autochtones ne constituent que 4% de la population. Ces chiffres sont alarmants. Ils le sont d’autant plus si l’on considère que les femmes et les filles autochtones subissent démesurément toutes sortes de violence non-comprises dans ces statistiques, comme les agressions physiques et sexuelles (trois fois plus souvent que les femmes non autochtones), la violence familiale, l’intimidation, le harcèlement, le suicide et les actes autodestructeurs (rapport provisoire, p. 7-8).

Afin de documenter la situation et de mieux comprendre à quel point ces violences sont interreliées et systémiques, et comment elles ont pris leur source dans la colonisation, la Commission d’enquête couvre 14 administrations provinciales et territoriales ainsi que les services de la protection de l’enfance, les services sociaux, la police et les systèmes de justice. Mise en place en septembre 2016, cette Commission d’enquête vise à entendre une multitude de vérités afin d’être en mesure de comprendre les effets considérables de la violence et de trouver des solutions pour y mettre un terme  (rapport provisoire, p. 5).

Pour ce faire elle recueille de l’information de plusieurs façons :

  • par des audiences communautaires, des audiences auprès des institutions et des audiences avec des experts;
  • par des recherches passées et actuelles;
  • par des collaborations avec les Aînés et les Gardiens du savoir;
  • par des analyses judiciaires de dossiers de la police.

(rapport provisoire, p.5)

La Commission d’enquête a beau avoir soulevé des critiques médiatiques dues en partie à sa difficile mise-en-route, en date du 2 mars 2018 ses 4 commissaires avaient déjà tenu 134 audiences publiques et 103 audiences à huis clos. Selon le site web de la Commission d’enquête, elle a recueilli à date plus de 1273 témoignages de membres des familles et de survivantes qui ont partagé leur vérité.

Si on lui reproche aussi de ne pas soutenir suffisamment les familles, pourquoi ne pas lui allouer un plus ample soutien afin de garantir les ressources humaines et les services nécessaires aux soutien des familles, plutôt que de l’obliger à bâcler son travail en ne lui accordant que 6 mois supplémentaires ?

Comme le précise le rapport provisoire, les témoignages douloureux recueillis par la Commission d’enquête sont aussi empreints de résilience et d’espoir, et c’est « grâce à ces personnes que nous pouvons regarder vers l’avenir en nous posant sur une assise faite d’expérience », même si chaque minute est maintenant comptée.

Des lectures à faire sur le sujet :

Amnesty International Canada (2004). On a volé la vie de nos sœurs : Discrimination et violence contre les femmes autochtones au Canada. Ottawa : Amnesty International.

Arriagada, Paula (2016). Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe : Les femmes des Premières Nations, les Métisses et les Inuites. Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-503-x/2015001/article/14313-fra.htm

Association des femmes autochtones du Canada (2008). « Fact sheet: Violence against Aboriginal Women ». Ottawa : Association des femmes autochtones du Canada.

Boileau, A., Bergeron, A. et C. Lévesque (2015). Naniawig Mamawe Ninawind. Debout et solidaire. Femmes autochtones disparues ou assassinées au Québec. Femmes autochtones du Québec. Kahnawake. https://www.faq-qnw.org/wp-content/uploads/2016/09/RapportFADA-Copie.pdf

Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015). Pensionnats du Canada : les séquelles – rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Volume 5. Montréal : McGill-Queen’s University Press. http://publications.gc.ca/collections/collection_2015/trc/IR4-9-5-2015-fra.pdf

Harper, E., Khoury, E. et B. Taïbi (2011). « La violence dans la vie des filles et des jeunes femmes autochtones au Canada : dans une optique intersectionnelle »

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (2017). Nos femmes et nos filles sont sacrées. Rapport provisoire. http://www.mmiwg-ffada.ca/files/interim-report-french-final.pdf

Montminy, L., Brassard, R., Jaccoud M., Harper E. et M.-P. Bousquet (2012). La violence conjugale et les femmes autochtones : état des lieux et des interventions. Montréal : Université de Montréal.

Pearce, Maryanne (2013). An Awkward Silence: Missing and Murdered Vulnerable Women and the Canadian Justice System. Thèse de doctorat, Université d’Ottawa. http://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/OOU/TC-OOU-26299.pdf

Art: Still Dancing – Merci à Jon Labillois : jonlabillois.com