Antoine C. Dussault reçoit le prix Denise-Barbeau de l’ACFAS pour la recherche au collégial
Antoine C. Dussault, professeur au Collège Lionel-Groulx, a reçu le prix Denise-Barbeau de l’ACFAS pour la recherche au collégial, pour ses travaux sur la santé des écosystèmes. Toutes nos félicitations!
“Repenser radicalement notre rapport à la nature et à tous les vivants est un, sinon le grand défi actuel à relever. C’est à cette tâche que contribue le lauréat à travers ses travaux de recherche et ses actions. En se basant sur sa théorie de la « santé des écosystèmes », il intègre les bouleversements naturels qui se sont produits dans le passé, comme le remplacement d’une espèce par d’autres, les grands feux de forêt et autres cataclysmes. Tout l’enjeu des recherches du lauréat est de saisir les bouleversements humains en relation avec les évolutions écologiques naturelles. Cette approche novatrice permet d’identifier plus clairement les dépassements et donc les impacts néfastes de l’activité humaine sur les écosystèmes.
Après son embauche au Collège Lionel-Groulx en 2007, Antoine Corriveau-Dussault obtient un doctorat en philosophie à l’Université de Montréal en 2015. Il travaille alors sur la question du « bien » des écosystèmes, c’est-à-dire sur le sens en lequel les écosystèmes peuvent, à l’instar des organismes vivants, être envisagés comme en bonne ou en mauvaise santé… Son postdoctorat traitant des concepts de type fonctionnel et de tendance écologique a pour sa part été réalisé à l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques (IHPST) de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne de 2016 à 2017. Depuis, le lauréat poursuit ses recherches au sein du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (ClRST) et du Centre de recherche en éthique (CRÉ), et il a, dans les trois dernières années, participé activement au Comité équité de la Société de philosophie du Québec, dont la mission est de s’intéresser à la place des femmes et des minorités dans ce domaine.
La recherche d’Antoine Corriveau-Dussault porte principalement sur la philosophie de l’écologie, un domaine croisant la philosophie des sciences, l’éthique de l’environnement et, dans le cadre de ses travaux, la philosophie de la médecine. Ses travaux visent à développer un concept de « santé des écosystèmes » pouvant guider la protection environnementale, tant dans les aires protégées que dans les zones géographiques habitées par l’être humain. Pour ce faire, il élabore les fondements philosophiques de l’indice de santé écosystémique proposé par l’écologue et économiste Robert Costanza, qui associe celle-ci à la vigueur, l’organisation et la résilience d’un écosystème.
Du point de vue de l’éthique de l’environnement, un tel concept de santé écosystémique permettrait de dépasser l’approche classique de la conservation environnementale axée sur la préservation, ou la restauration, du caractère « sauvage » des écosystèmes, approche critiquée pour sa compréhension trop fixiste, ou peu évolutionniste, de la nature. L’idée est de reconnaître qu’il est naturel pour les écosystèmes de se modifier dans le temps, et que, par exemple, certaines espèces disparaissent et soient remplacées par d’autres. Cette reconnaissance de la dynamique évolutive doit, bien sûr, s’accompagner d’un critère permettant de tracer une ligne suffisamment claire entre les changements qui s’inscrivent dans la dynamique normale des écosystèmes et ceux qui en constituent une détérioration écologique.
Bien qu’ayant ultimement une visée éthique et pratique, l’élaboration et la défense d’un tel concept de santé des écosystèmes requièrent un travail théorique mobilisant les apports de la philosophie des sciences, principalement ceux de la philosophie de l’écologie et ceux de la philosophie de la médecine, ce qui représente une innovation de taille.
La contribution d’Antoine Corriveau-Dussault à la recherche en philosophie se démarque donc par son caractère interdisciplinaire. Son approche s’écarte à cet égard d’une certaine image de la philosophie trop souvent présentée comme une discipline fermée sur elle-même et centrée sur l’étude de sa propre histoire.
Compte tenu du rayonnement international, du caractère innovateur et de l’intérêt philosophique et sociétal de la recherche d’Antoine Corriveau-Dussault, il n’est pas surprenant qu’il ait, au long de son parcours de chercheur, obtenu plusieurs bourses d’études et subventions de recherche. Il projette de déposer, cet hiver, à titre de chercheur principal, une demande de subvention de Projets de recherche en équipe en milieu collégial, afin de créer une équipe de recherche en éthique de l’environnement incluant quelques-uns de ses collègues du milieu collégial et des membres réguliers du CIRST. L’un des objectifs visés par la demande de subvention de Projets de recherche en équipe en milieu collégial consiste à financer des activités de formation à la recherche pour les étudiants de Cégep, afin qu’elles et ils puissent s’initier à la pratique de la recherche et tester leur intérêt potentiel pour celle-ci dès leur passage au collégial.
Pour conclure, mentionnons que les activités de recherche d’Antoine Corriveau-Dussault ont un impact substantiel sur son enseignement. Dans ses cours, il tisse des liens originaux – et stimulants pour les étudiants – entre les contenus philosophiques classiquement enseignés au collégial et ses thèmes de recherches. Dans son cours intitulé « l’Être Humain », par exemple, il amène les étudiants à se questionner sur les diverses manières par lesquelles la philosophie occidentale moderne a façonné et façonne encore aujourd’hui les rapports que nous entretenons avec l’environnement naturel. Il démontre ainsi comment la philosophie peut devenir concrète en proposant des outils pour mieux comprendre le monde dans lequel ils évoluent et y agir de manière plus avisée.”