Marie-Josée Drolet

Positions held

2007-2008 Graduate fellow(s),

Biography

Le projet de recherche de Marie-Josée Drolet, lors de son passage au CRÉUM, s’intitulait: L’universalité des droits de l’homme dans le contexte du
pluralisme axiologique inhérent aux relations internationales: le cas du
confucianisme

C’est suite à des études en sciences de l’ergothérapie à l’Université Laval et après avoir oeuvré pendant plusieurs années à titre d’ergothérapeute au sein du réseau québécois de la santé et des services sociaux que Marie-Josée Drolet a entrepris des études en philosophie. Après avoir complété, à l’Université du Québec à Montréal, un baccalauréat et une maîtrise consacrée à l’analyse des fondements philosophiques du projet de paix perpétuelle kantien, Marie-Josée Drolet s’est intéressé – dans le cadre de ses études doctorales à l’université de Montréal – à la possibilité d’une compatibilité théorie entre la pensée contemporaine des droits de la personne et la pensée classique confucéenne.

Sa thèse dont le titre est : L’universalité des droits de l’homme dans le contexte du pluralisme axiologique inhérent aux relations internationales : le cas du confucianisme, s’inscrit au sein de l’actuel débat international relatif aux droits de la personne et aux valeurs asiatiques (ledit débat asiatique). Au sein de ce débat, les partisans de la thèse des valeurs asiatiques critiquent la prétention à l’objectivité et à l’universalité de la pensée des droits de l’homme, faisant en sorte qu’ils émettent de sérieux doutes quant à la possibilité d’arrimer ces droits aux valeurs asiatiques. En outre, ils affirment que les disparités sociales et culturelles entre l’Ouest et l’Est seraient fondamentales et donc irréconciliables. Par exemple, les sociétés sinisées de l’Asie de l’Est, c’est-à -dire celles dont la culture est d’origine confucéenne (Chine, Corée, Japon et Vietnam) attacheraient plus de valeur à la discipline, à la loyauté envers la famille et à l’obéissance envers l’État qu’à la liberté individuelle et aux droits de l’homme, contrairement aux sociétés et cultures traditionnellement affiliées à l’Occident.

Est-ce à dire que les droits de la personne, tant dans leurs formulations anciennes qu’actuelles, sont insuffisants, invalides ou encore révolus ? Ces droits au visage universel ne sont-ils en définitive que des droits particuliers incapables de relever le défi du pluralisme axiologique irréductible des relations internationales ? Dans sa thèse, Marie-Josée nous fera la démonstration que la pensée des droits de la personne n’est pas incompatible avec la pensée confucéenne comme l’affirment injustement les défenseurs de la thèse des valeurs asiatiques. Ainsi, à l’instar d’Amartya Sen et de Jürgen Habermas qui contestent le bien-fondé de la thèse des valeurs asiatiques, elle montrera que la supposée incommensurabilité des cultures occidentales et confucéennes s’avère injustifiée, en ceci que les différences sociales et culturelles entre l’Ouest et l’Asie de l’Est ne sont ni fondamentales, ni incompatibles, ni insurmontables, de sorte qu’un consensus sur des valeurs humaines fondamentales est possible entre les intervenants occidentaux et asiatiques de la scène internationale actuelle et future.

Afin de démontrer la pertinence de son point de vue, elle a procédé à une analyse de la pensée confucéenne telle qu’elle émerge des textes scripturaires fondateurs du confucianisme classique que sont les Quatre Livres (Si Shu), c’est-à-dire: les Entretiens de Confucius (Lunyu), le Mencius (Mengzi), la Grande Étude (Daxue) et la Pratique du Milieu (Zhongyong) . Le choix de ces quatre Classiques chinois (dont la datation se situe entre les 5e et 2e siècles avant notre ère) est basé sur le fait que ces ouvrages confucéens furent au programme des examens mandarinaux (lesquels permettaient de recruter les fonctionnaires lettrés oeuvrant au sein de l’État chinois) pendant plus de 15 siècles, soit dès le 2e siècle de notre ère pendant la dynastie des Han, mais de manière systématique depuis le 12e siècle lorsque le célèbre néoconfucéen Zhu Xi (1130-1200) les inséra formellement aux concours mandarinaux, jusqu’à l’abolition du système des examens au début du 20e siècle (1905). Ainsi, ces quatre traités forment le coeur de la pensée confucéenne classique. L’exégèse de ces Classiques confucéens a permis à Marie-Josée d’invalider la thèse des valeurs asiatiques en attaquant les arguments culturels sur leur propre terrain, un peu à la manière d’Amartya Sen qui, dans Development as Freedom, argue que la liberté et la démocratie ne sont pas des inventions de l’Occident mais des valeurs universelles ayant des racines en Occident comme en Orient. De manière semblable, cette exégèse des Si Shu démontrera que loin d’être en rupture avec la pensée humaniste des droits de l’homme, le confucianisme est un humanisme.

Pour étayer ses hypothèses de recherche, l’attrait du libéralisme politique tel qu’articulé par John Rawls dans Political Liberalism et The Law of Peoples s’avère patent. Sa conception des droits de la personne comme biens premiers culturellement neutres, en vertu d’un consensus par recoupement qui, face au fait du pluralisme raisonnable, évite les controverses métaphysiques entre les diverses doctrines compréhensives raisonnables du monde et de la personne, lui a été d’une aide précieuse. Dans le même ordre d’idées, les travaux de Martha Nussbaum, qui vont aussi dans le sens d’un recoupement possible entre les cultures afin de fonder une conception de l’universalisme moral apte à prendre en compte l’indéniable fait du pluralisme culturel, lui sont d’un support non négligeable. Et il en va de même de la pensée cosmopolitique (partial cosmopolitism) développée par Anthony Appiah dans Cosmopolitism: Ethics in a World of Strangers ainsi que de la récente réflexion d’Amartya Sen qui, dans Identity and Violence, propose une réfutation à la fois percutante et convaincante de l’approche civilisationnelle de Samuel Huntington, en soutenant en outre le concept novateur d’identité plurielle.